Nous avons parlé de l'immigration au Japon avec Pierre Boussard, responsable des ventes et du business development pour Japan Mobility.
Japan Mobility est le spécialiste de l'aide à la relocation pour les expatriés transférés ou employés au Japon. L’entreprise assiste les entreprises sur tout le territoire, d'Okinawa à Hokkaido, proposant tous les services d’aide à l’installation pour leurs salariés-expatriés : demande de visa, recherche de logement/école, management interculturel, service d'assistance téléphonique 24h/24, avec comme philosophie : “Making It Easier”.
Ce n’est une surprise pour personne, la population japonaise vieillit. Avec seulement 864 000 naissances en 2019, soit une baisse de 6 % comparée à l’année 2018, la question de la natalité liée au vieillissement de la population est un véritable problème sociétal au Japon. Le pays aux 120 millions d’habitants détient d’ailleurs la palme de la population la plus vieille du monde. Comment expliquer ce vieillissement ? Quelles en sont les conséquences ? L’immigration est-elle une solution ?
Si aujourd’hui l’archipel japonais n’a jamais connu une moyenne d’âge aussi élevée, cela est en partie expliqué par une baisse de la natalité et une hausse de l’espérance de vie.
La baisse de la natalité est due à deux facteurs : le premier est le taux de célibat, en constante hausse. En effet, deux tiers des Japonais(es) sont célibataires chez les 18/34 ans. Il est à noter que les naissances hors mariage sont très mal vues dans cette société traditionaliste.
La deuxième raison est le coût de la vie très élevé au Japon. Le choix de faire un enfant est souvent écarté par les jeunes couples qui ont peur de ne pas pouvoir subvenir financièrement aux besoins de leur(s) enfant(s). Aujourd’hui, fonder une famille et avoir des enfants n’est pas une priorité pour les Japonais. La moyenne d’âge de la première grossesse chez les Japonaises est de 30,7 ans.
Les naissances se font rares, c’est un fait. Mais l’augmentation de la moyenne d’âge est également due à l’espérance de vie toujours plus haute : 84 ans. C’est la moyenne la plus élevée du monde. La qualité de vie et l’alimentation, relativement saine, sont les principales raisons pour lesquelles la longévité est aussi forte. Également, l’activité professionnelle est un facteur déterminant. En effet, 1 personne sur 4 a plus de 65 ans au Japon ; et une partie d’entre elles travaille encore surtout dans le domaine de la construction, secteur en plein essor. Cette occupation permet aux Japonais de garder un rythme et une activité physique et prolonge, dans la plupart des cas, leur espérance de vie. Mais si les Japonais continuent de travailler, ce n’est tant pas par plaisir mais par nécessité : leur faible retraite, bien souvent, ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins.
Ce vieillissement a des conséquences graves sur l’économie japonaise. En effet, les entreprises ne trouvent plus de personnel avec les compétences nécessaires pour exercer un travail qualifié. Le pays manque principalement d’ingénieurs, notamment dans les domaines techniques tels que l’aérospatial, l’automobile…
Il existe partout dans l’archipel de petites épiceries, ouvertes 24h/24 appelées « Kombini ». Ces commerces de proximité proposent également des services bancaires, des services postiers, photocopie, et font partie intégrante de la vie quotidienne. Ces commerces sont entrés dans les us et coutumes japonais. S’il y a une dizaine d’années, le personnel à la caisse était exclusivement nippon, la donne change aujourd’hui : beaucoup sont des étudiants non qualifiés vietnamiens ou sri lankais et certains de ces commerces sont menacés de fermeture, faute de postes non pourvus.
Le Japon est en manque de main d’œuvre qualifiée ou non qualifiée et cela crée, à long terme, d’importantes lacunes. Une des solutions est donc l’immigration, un sujet encore tabou au sein de l’archipel.
Les étrangers représentent environ 2 % de la population japonaise. Les plus qualifiés viennent des États Unis, d’Europe et plus récemment d’Inde. Les moins qualifiés sont originaires d’Asie du Sud Est (du Vietnam principalement) et du Sri Lanka où parfois des organismes gouvernementaux les recrutent et les forment dans leur pays d’origine avant de les expatrier au Japon. Cette pratique est notamment appliquée dans les domaines de l’hôtellerie et de l’assistance aux personnes âgées.
Le besoin de main d’œuvre étrangère est malgré tout un sujet sensible. En effet, les Japonais sont extrêmement attachés à leur culture où le respect et l’harmonie sont des valeurs primordiales. Avec l’arrivée d’étrangers, la population a peur de perdre cette homogénéité ethnique implantée depuis des centaines d’années. Conscients qu’un manque d’adaptabilité et d’investissement des expatriés dans leurs coutumes pourraient fragiliser leur société, les Japonais veulent à tout prix conserver cette harmonie sociale qui leur est chère.
Au vu de sa situation démographique et du vieillissement de sa population, même si les habitants le désapprouvent, le Japon a besoin d’immigration. Cette dernière se fait au compte-gouttes et peut être parfois compliquée. Le délai pour la délivrance d’un permis de travail est de 1 à 3 mois, et l’immigration japonaise est réputée pour être pointilleuse et demander beaucoup de détails (motivation, antécédents…). Même si les critères officiels sont remplis, elle peut refuser toute délivrance de visa à la fin du processus, sans donner de raisons valables. Le manque de respect de la part de certains touristes envers les coutumes japonaises n’arrange pas la réticence de la population face à l’arrivée des expatriés. S’installer dans un nouveau pays signifie s’adapter à ses valeurs et les respecter.
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