Le Vietnam en 2025 : entre héritage historique et ambitions d’avenir
- RelocationVietnam
- 23 sept.
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Le 2 septembre 2025, le Vietnam a célébré le 80ᵉ anniversaire de son indépendance. L’événement n’a pas été marqué par de grands défilés, mais par un ton sobre, à travers un rassemblement culturel symbolique à Hanoï. Cette retenue révèle que le sujet est toujours récent et douloureux mais témoigne d’une volonté de montrer que le pays est entré dans une nouvelle ère de son histoire : celle de la maturité.
Le Vietnam n’est plus seulement une nation tournée vers son passé héroïque mais veut s’affirmer comme une puissance moyenne industrielle et technologique de l’Asie du Sud-Est, où se croisent ambitions industrielles, défis démographiques et choix diplomatiques délicats.
Une société en mutation rapide
Depuis 2024, les autorités vietnamiennes ont entrepris une profonde réorganisation administrative : plusieurs ministères ont fusionné et des dizaines de milliers de postes ont été supprimés dans les structures locales. L’objectif de ces réformes est de rendre l’État plus organisé et ainsi, plus efficace.
De plus, la transition numérique s’accélère avec désormais une identité électronique pour chaque citoyen et la dématérialisation de nombreuses démarches, les rendant plus simples et rapides.
Enfin, une loi adoptée en 2025 sur la science et l’innovation fixe un cadre pour protéger la propriété intellectuelle et encourager les liens entre universités et entreprises. L’analyste Arnaud Leveau, président d’Asia Centre, explique que ces mesures pourraient être « les prémices d’une politique industrielle sélective, lisible pour les investisseurs et compatible avec l’objectif d’autonomie technologique ».
Une économie en quête de valeur ajoutée
Avec plus de 100 millions d’habitants, le Vietnam est le quinzième pays le plus peuplé du monde. Mais sa population vieillit rapidement : selon les projections, près d’un cinquième de la population aura plus de 60 ans d’ici 2030. Ce basculement oblige les autorités à réfléchir différemment au développement : l’économie ne peut plus reposer uniquement sur la main-d’œuvre abondante et bon marché qui avait fait le succès du modèle exportateur des années 1990 et 2000.
Avec les réformes du Doi Moi en 1986, le Vietnam s’était imposé comme une base industrielle de premier plan en Asie du Sud-Est. Mais le pays cherche désormais à monter en gamme. Les semi-conducteurs sont au cœur de cette stratégie, avec notamment la récente approbation d’une première usine de puces, d’un montant de 500 millions de dollars. De plus, les autorités visent la formation de 50 000 ingénieurs spécialisés d’ici 2030. L’électronique de puissance, les composants automobiles et la cybersécurité complètent ce virage.
Le Vietnam mise également sur la modernisation des infrastructures : projets ferroviaires comme la ligne à grande vitesse entre Hanoï et Hô Chi Minh-Ville, zones franches technologiques comme Da Nang, libéralisation du marché de l’or pour renforcer la transparence financière.
Diplomatie du bambou
C’est sur la scène internationale que le Vietnam affirme le plus clairement sa maturité. Sa doctrine, la « diplomatie du bambou », combine racines solides (défense des intérêts nationaux), tronc ferme (stabilité politique) et branches souples (adaptabilité des partenariats).
Cette approche repose sur les « trois non » : pas d’alliances militaires contraignantes, pas de bases étrangères, pas d’alignement systématique. Comme le résume le Dr. Leveau, « Cette diplomatie flexible représente une tentative de politique d’équilibre, non d’équivalences. »
Des relations internationales diversifiées et équilibrées
Partenariats occidentaux : coopération et vigilance
Le Vietnam a développé une coopération étroite avec les États-Unis dans des secteurs stratégiques tels que les semi-conducteurs, la cybersécurité ou l’énergie propre. Cette relation reste fragile. Les États-Unis ont menacé cette année d’imposer jusqu’à 46 % de droits de douane sur certains produits vietnamiens, avant d’aboutir à un compromis à 20%. Cela pousse le Vietnam d’une part à améliorer la traçabilité et la valeur ajoutée de ses produits exportés, et d’une autre à diversifier ses acheteurs afin de ne pas dépendre d’un seul partenaire.
L’Union européenne et la France offrent une alternative précieuse. Porté par des accords commerciaux et juridiques, ce partenariat se concentre sur la finance verte, les infrastructures intelligentes, l’aéronautique et l’énergie bas-carbone. La France, en particulier, malgré un déséquilibre entre importations et exportations, joue un rôle d’appui dans l’éducation et la culture, renforçant un lien de confiance historique. L’Europe est perçue comme une « troisième voie » : moins menaçante que la Chine, plus prévisible que les États-Unis.
Partenariats asiatiques : co-développement et intégration régionale
Le Japon et la Corée du Sud sont des investisseurs de premier plan. Séoul est aujourd’hui le premier investisseur étranger au Vietnam, ses entreprises intégrant le pays au cœur de leurs chaînes de valeur mondiales. Tokyo, pour sa part, soutient la résilience énergétique et logistique vietnamienne, essentielle pour l’industrie. Ces deux pays offrent au Vietnam ce qu’il recherche : des investissements stables et durables, qui ne cherchent pas un profit immédiat mais s’inscrivent dans le long terme. Grâce à cette approche, le Japon et la Corée accompagnent progressivement la montée en gamme industrielle du Vietnam, en partageant aussi leur savoir-faire technologique.
Le Vietnam joue un rôle moteur au sein de l’ASEAN, poussant à renforcer les mécanismes économiques régionaux comme l’accord de libre-échange RCEP, tout en plaidant pour une meilleure coordination sur les infrastructures et la transition énergétique. L’organisation régionale fournit un cadre stable permettant de limiter l’impact des rivalités entre grandes puissances. Le Vietnam y promeut une approche coopérative, visant à renforcer la cohésion face aux pressions extérieures.
Partenariats historiques : coopération sous surveillance
Avec la Chine, premier partenaire commercial et acteur incontournable pour les chaînes d’approvisionnement, la relation reste ambivalente. La rivalité en mer de Chine méridionale reste une source de méfiance. En conséquence, le Vietnam coopère tout en diversifiant ses sources d’approvisionnement, notamment dans les minerais critiques et l’énergie, pour éviter une dépendance excessive.
La Russie reste un fournisseur important, notamment pour l’énergie et l’armement, mais le Vietnam réduit progressivement cette dépendance en se tournant vers d’autres partenaires plus fiables à long terme.
Ainsi, pour citer Leveau, « Le Vietnam cherche à diversifier ses coopérations pour éviter toute dépendance irréversible, tout en s’insérant dans les secteurs qui concentrent la valeur. » Le pays vise la stabilité et l’indépendance en multipliant ses partenaires. En favorisant l’investissement et l’innovation sur le territoire, il cherche à accroître sa valeur ajoutée.
En 2025, le Vietnam se présente comme un pays en pleine transformation. Il réforme son État, modernise son économie et déploie une diplomatie agile, enracinée dans ses principes mais souple dans ses partenariats.
Les défis restent considérables : vieillissement démographique, dépendance commerciale, sécurité énergétique, tensions régionales. Mais si le pays réussit à former ses ingénieurs, stabiliser son cadre réglementaire et maîtriser ses interdépendances, il pourra consolider son statut de puissance moyenne autonome, capable de conjuguer fermeté et souplesse — à l’image du bambou qui incarne sa diplomatie.









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